Voulez-vous devenir empereur ? Nouveau conte Zen
Par Grégory Grand | 3 commentairesLa semaine passée, vous avez particulièrement apprécié le conte Zen tiré du livre de Henri Brunel : Les plus beaux contes Zen
Voici un nouveau conte.
« En ce temps-là, Heian Kyo, ce qui signifie « capitale de la paix et de la tranquillité », était un lieu enchanteur où résidait Sa Majesté l’empereur.
Nobles seigneurs vêtus de rouge, tuniques cerises, pantalon pourpre, nobles dames en habits étourdissants, aux couleurs sans cesse nouvelles, rivalisaient dans les joutes d’amour et les jeux d’esprit.
Les fêtes somptueuses se succédaient au hasard des palais, des villas, ornés de magnifiques statues.
Les musiciens accompagnaient au bord du lac des Huit Vertus les amants du clair de lune. Les temples étaient construits en bois précieux, parés de nacre, incrustés de pierres précieuses, et les cérémonies rituelles donnaient lieu à des fastes sans égal dans tout l’empire.
L’empereur Saga était un homme âgé, un peu las de ces réjouissances perpétuelles. Un chagrin secret le rongeait.
Il n’avait pas de fils. Souvent il s’absentait de la cour, et il se rendait avec quelques serviteurs fidèles et discrets chez un ermite, un moine Zen.
Celui-ci vivait non loin de la capitale, dans une simple cabane de branchages, près d’une pagode en ruine.
Assis sur un tronc d’arbre, Saga observait le moine prier, méditer, couper du bois, et la hache étinceler au rythme de ses coûts dans le soleil.
« Je te regarde vivre depuis plusieurs années, Ryoben, tu es actif, énergique, généreux, et sages. Je vieillis, je n’ai pas de fils. Veux-tu me succéder, veux-tu être empereur ? »
À cette demande stupéfiante, le moine ne répondit mot.
« Imagine, Ryoben, les plaisirs, la richesse, le pouvoir absolu, le droit de vie et de mort sur tout ce qui respire dans ce pays. Tu pourrais faire construire ici un palais, ou 1 temple aux cent pagodes, faire connaître le Zen, étendre son influence. N’es-tu pas tenté ? »
Ryoben posa sa hache, remis de l’ordre dans ses vêtements, et dit :
« je vais aller au bord de la rivière et me laver mes oreilles souillées par vos paroles. »
Il se rendit à la rivière où il rencontra 1 paysan qui venait souvent y faire boire sa vache.
« Tu te laves les oreilles, à cette heure du jour ?
-Oui, mes oreilles ont été souillées par les paroles de l’empereur. Il m’a proposé de lui succéder, et de monter sur le trône.
-Je comprends que tu te laves ! dit le paysan, et dans ces conditions je ne laisserai pas ma vache boire cette eau souillée. »
***
Provocation, impertinence, le grand rire libérateur du Zen. Le moine considère d’un oeil égal le prince et le pauvre hère, le lion et le vermisseau. N’enviant rien, ne possédant rien, le Zen est la liberté parfaite.
Coucou Grégory,
Moi j’aime bien les histoires zen:).
La morale véhiculée par celui-ci m’échappe un peu je dois dire… Peux-tu m’éclairer?
Bonne journée.
Nicolas
Coucou Nicolas,
Ici l’idée Zen mise en avant est la liberté, ou plutôt le fait de savoir se libérer de toutes les gloires éphémères et illusoires habituellement idolâtrées par l’humaine : la richesse, le pouvoir, la puissance sur les autres, le faste, etc.
Le sage Zen, que l’empereur consulte régulièrement, est « souillé » d’entendre que l’empereur puisse penser qu’il serait attiré par la gouvernance d’un royaume.
L’homme Zen n’a besoin de rien. Il est juste là, et vit l’instant présent. Pas de possessions matérielles et surtout, pas de désirs d’en avoir.
Il est juste là, avec ce qui se passe.
Bonne journée !
Coucou Grégroy,
Merci beaucoup pour tes explications! Tout est clair maintenant!
A bientôt.
Nicolas