Vous aussi vous voyez le monde comme eux ?
Par Grégory Grand | 27 commentairesMon article de ce jour relève le défi, amusant, lancé par l’excellent Cédric Vimeux sur son blog Virtuose marketing.
Cédric a naturellement bien compris que nous percevons tous la réalité à travers des lunettes différentes.
Et il est si curieux de constater les effets de cela qu’il a demandé aux blogueurs qui le lisent, d’expliquer quelle(s) morale(s) ils pourraient tirer, en rapport avec la thématique de leurs blogs, de l’histoire suivante :
Visez-vous comme l'archer, en plein coeur de la cible ?
L’Empereur du Japon visitait ses provinces.
Un jour, il arriva dans une ville, et vit une cible avec une flèche en son centre. Il se dit que l’archer qui avait tiré avait fait un joli coup.
Quelques mètres plus loin, il vit une nouvelle flèche en plein coeur d’une cible. Et quelques mètres plus loin encore, une troisième. Puis une quatrième.
L’Empereur voulut alors savoir qui était l’extraordinaire tireur qui plantait ainsi chaque flèche en plein coeur des cibles…
Mais lorsqu’il demanda, on lui répondit :
« Oh non, laissez tomber. Ce type est un idiot !
– Comment cela « un idiot » ? demanda l’Empereur. Comment un tel archer pourrait-il être un idiot ?
– C’est très simple, lui répondit-on. Il tire la flèche au hasard, puis il dessine la cible autour seulement après ! »
En lisant cette histoire, plusieurs points de vue me sont apparus (je suis en effet rarement seul dans ma tête 😉 ).
Je vous les livre donc en vrac.
La morale du croyant
« Les gens disent que l’archer envoie sa flèche au hasard mais ils n’ont rien compris.
En réalité, le hasard n’existe pas, car c’est Dieu qui donne la direction à la flèche.
Ainsi, si la flèche vient se planter à cet endroit précis, c’est bien que Dieu l’a décidé.
La main de l’archer, la flèche et la cible sont au coeur de la volonté de Dieu, et nous sommes toujours au centre des projets que celui-ci a pour nous.
D’ailleurs, puisque l’archer atteint à chaque fois une cible invisible en plein coeur, n’est-ce pas là précisément un miracle, la preuve irréfutable que Dieu existe ?
Gloire à Dieu ».
La morale de l’intellectuel
« À la lecture de cette histoire, il convient de poser une remarque liminaire : les présupposés et les enjeux philosophiques d’une pareille question sont tels qu’on ne pourra ici qu’esquisser, bien trop superficiellement, de simples bribes de réponses hâtives ; quelques prolégomènes tout au plus.
Je souhaiterais demander à mes confrères….au fond, qu’est-ce qu’une cible ?
Plus précisément, qu’est-ce que manier le concept de cible implique dans le discours moderne ?
D’ailleurs, convient-il de parler d’un concept a priori ou a posteriori ? De là à estimer qu’il relève-t-il des catégories de l’entendement au sens Kantien… je ne franchirai pas ce pas.
Et que faire de la notion de flèche… Où commence d’ailleurs la notion de flèche ?
J’ai du mal à comprendre comment on peut encore soutenir aujourd’hui que l’oeuf est apparu avant la poule, lorsque de telles preuves sur l’antériorité de la poule existent…
J’ai d’ailleurs l’intuition que la taille du diamètre de la cible, rapportée à la couleur du reflet du pantalon porté par l’archer, permettra bientôt de déterminer ce qu’il avait mangé avant de tirer ».
La morale du spirituel
« En réalité je vous le dis, il n’y a pas de flèches.
Ni de cible.
Elles ne sont qu’éphémères et inconsistantes projections du mental.
Absurdes manifestations de l’ego.
Il n’y a d’ailleurs pas d’empereur, et encore moins d’archer.
Il n’y a là que les manifestations d’une conscience diminuée et réduite à subir les vicissitudes de l’évolution temporelle et de la physique du tir à l’arc.
L’incarnations d’individualités, entravant toute tentative d’appréhension de la pleine Conscience et du grand Tout.
Il n’y a pas de morale à tirer, puisqu’il n’y a pas d’histoire.
Et il n’y a pas d’histoire, puisqu’il n’y a même pas de Vous ! »
La morale du coach PNL
Les morales précédentes et les articles répondant au défi de Cédric montrent bien que chacun à sa vision du monde.
Chacun reçoit un même flux d’information à travers ses lunettes, ses grilles sensorielles personnelles.
Peu importe que la flèche ait été lancée avant ou après que la cible existe : pour votre cerveau émotionnel et votre inconscient, le temps n’existe pas.
Ce qui importe, c’est la croyance de l’archer.
Peu importe que les autres ne partagent pas sa croyance : peu importe qu’au lieu de le trouver excellent, ils le trouvent idiot.
L’archer qui tire la flèche ou qui dessine sa cible a sa propre vision du monde dans laquelle il est un excellent archer.
Tant que celle-ci lui est bénéfique, l’aide à atteindre ses objectifs et qu’elle est écologique pour les autres, alors tout est OK.
Votre centre, ce sont vos valeurs.
Et si votre vie, vous la vivez en parfait accord avec vos valeurs, alors vous êtes bien moins idiot que tous ces gens dans l’histoire (incarnés par le « on ») qui vous traitent du même nom.
Crédit photo : Freedigitalphotos.net
Salut Greg,
Beaucoup d’humour et plein de visions différentes dans cet article. Merci, c’est très drôle et très enrichissant.
Je propose encore une vision supplémentaire, que l’on pourrait appeler « la morale du conteur ».
Je vois bien le conteur, à la fin de son histoire, s’adresser à l’assemblée et dire :
« Et vous ?
A quel moment vous êtes l’archer dans votre vie ?
A quel moment vous êtes l’empereur ?
Et la flèche ? La cible ? »
…
Les contes s’adressent à votre part intuitive, n’hésitez pas à débrancher votre cerveau gauche quelques instants ! 😉
Coucou Sam,
Oui, bien vu la morale du conteur !
Je sais en plus que tu es fan des contes alors 😉
C’est ça qui est intéressant dans cette histoire, c’est la diversité des façon dont les gens la reçoivent.
belle journée à toi !
bonjour Greg ,
super la nouvelle couverture de ton livre , donne vraiment l’envie de le relire (3x) !
Merci Brigitte
J’ai un petit magicien qui opère et qui fait des miracles en graphisme !
Salut Grégory :
Belle histoire. Excellentes interprétations. Brillantes conclusion.
Juste une question :
Tu ne va quand même pas nous dire que tu as publié ton article avant de l’écrire Non?
Bonne soirée.
Jaime.
Haha, non Jaime, je n’irai pas jusque là 😉
Quoique… dans l’univers quantique, tout est possible…
He ben chapeau l’artiste… J’ai dû chercher dans le dictionnaire ce qui est plutôt rare… Mais où vas tu chercher tout ça ?? ?lol
Prolégomènes : nom masculin pluriel ; du grec pro, devant, avant et de legein, dire.
Il s’agit d’une longue introduction placée en tête d’un ouvrage ou bien de l’ensemble des notions préliminaires à une science. Il s’utilise toujours au pluriel. On doit ainsi à Kant des Prolégomènes à toute métaphysique future qui pourra se présenter comme science. Aux environs de 1400, Ibn Khaldoun a publié ses prolégomènes.
Non ce n’est pas de moi, c’est wiki…
mais j’aime ça apprendre de nouvelles choses…
Bravo… je trouve que l’initiative de Cédric est vraiment excellente, ça donne de bons résultats. Ce que j’ai lu déjà a beaucoup de créativité…
Coucou Dominique,
Merci pour ce commentaire sympa
Oui, des prolégomènes, j’en ai écrits il y a quelques années, durant mes études.
Je maniais beaucoup la « théorie » du droit et la philo, tous ce genre de trucs sexy quoi 😉
Je suis bien content que tu aies pu apprendre ce mot alors.
Je confirme, Cédric a eu une belle idée (comme toujours d’ailleurs), qui m’a bien inspiré.
A bientôt
Grégory
Bel essai Grégory,
J’ai vu l’article de Cédric, je me tâtais pour donner ma version.Ton article me donne envie de me lancer!
Merci Hannah,
Oui oui, lance-toi ! J’ai hâte de lire ta version, parfumée de tes secrets en tout genre 😉
Excellent ! Face à tant de dextérité dans l’analyse et le maniement des mots, j’en reste pantois 😉
@micalement
Jacky
Coucou Jacky,
Je te remercie du compliment : j’ai pris beaucoup de plaisir à écrire cet article, je suis heureux que ça s’en ressente.
A bientôt.
Grégory
Bravo, défis relève avec succès. Ton article est vraiment sympa, félicitation.
Merci Rodrigue, c’est sympa
!!
Salut Gregory,
Bourrées d’humour les différentes approches moralistes.
Vraiment exxxxcellent.
On pourrait aussi ajouter le physicien:
« la vitesse de la flèche induit qu’arrivée à la moitié de son parcours, il lui reste donc une moitié de la distance à franchir pour atteindre la cible (quelque soit le volume concentrique de celle-ci).
Après avoir survolé la moitié de la distance de cette moitié restante, il lui reste une distance X avant d’arriver.
Parvenant à la moitié de cette distance x elle doit encore franchir l’autre moitié de celle-ci.
L’opération étant reproduisible à l’infini, la flèche n’atteindra jamais sa cible.
Et l’autre idiot, qui n’a rien compris, peut remballer ses pinceaux.
La morale est que pour atteindre son objectif, il faut choisir la bonne équation.
C.Q.F.D. »
@+
Christian.
Coucou Christian,
Merci pour ton appréciation.
J’apprécie d’autant plus que je suis fan de la façon dont tu manies ta plume, parfois acerbe, souvent originale et toujours parsemée (le mot est faible) de ton humour bien à toi :-).
Effectivement, je n’avais pas pensé au physicien !
Ils sont forts ces scientifiques quand même…
Salut Grégory,
J’ai bien apprécié ta petite histoire ainsi que la vision du coach à la fin.
Si nous restons en accord avec nos valeurs et notre éthique, nous accédons au chemin vers l’estime de soi et l’accomplissement de soi.
Restons vrai avec nous.
Al
Salut Al,
oui, très bien dit, c’est exactement ça !
On dirait un exercice de style à la Queneau.
j’adore l’approche intellectuelle, cela me fait penser au novlangue (vu chez acide ici) et à cette capacité de passer pour un érudit juste en sortant des mots savants.
Bravo aussi pour la synthèse en tant que coach PNL.
Salut Mikael,
Bienvenue sur ce blog, et un grand merci pour ton commentaire !
Bien vu, très bien vu la référence à Queneau 😉
C’est effectivement très intéressant ce genre d’exercice, j’avoue que c’est la 1ère fois que je le faisais sur ce blog, et je compte bien renouveler l’expérience
Les intellectuels adorent ça : retourner un problème dans tous les sens, en l’assortissant de notions qui « sonnent » complexes mais qui sont en fait … complètement vides !
Je publierai une vidéo sur ce sujet, qui est très amusante.
Salut Greg,
Merci d’avoir relevé mon petit défi.
Et bravo pour ce sublime article.
Cédric
Salut Cédric,
C’était un plaisir, l’écriture de cet article a été particulièrement fun ;-).
Merci pour ton compliment.
Greg
Bonjour Grégory, Cédric et toutes, tous,
Très joli, très drôle, très inspiré, ton article, Grégory, bravo !
Mais avez-vous, tous, pensé au point de vue de la cible et de la flèche ?
Je m’en vais vous conter leur grande et romantique histoire d’amour.
Il était une fois, une jolie petite cible et une adorable longue flèche.
Mon Dieu, qu’elles étaient amoureuses l’une de l’autre, ces deux là !
Mais elles ne pouvaient s’unir qu’au prix d’une grande souffrance pour la pauvre petite cible, lorsque sa flèche bien-aimée venait lui transpercer le cœur.
Alors la petite cible acceptait avec courage cette dure épreuve pour le bonheur de sentir en elle l’objet de son amour.
Mais notre petite flèche n’en pouvait plus d’infliger ces douleurs à sa petite cible chérie.
Et nos deux amoureuses en étaient venues à espacer, de plus en plus, leurs rencontres pour ne pas souffrir trop souvent.
Qu’elles étaient malheureuses de ne plus pouvoir se rencontrer aussi souvent qu’elles en avaient envie !
Alors, à force de chercher et chercher encore une solution, la petite flèche eut une merveilleuse idée.
Ma petite cible chérie, j’ai enfin trouvé !
Nous pourrons être heureuses,ensemble, chaque jour durant toute notre vie.
C’est incroyablement simple nous aurions dû y penser plus tôt : lorsque tu m’entendras arriver, tu iras vite te cacher.
Et lorsque tu verras que je me suis plantée, tu reviendras me prendre dans tes bras, tu te loveras autour de moi et nous serons enfin réunies sans t’avoir fait souffrir.
La petite cible sauta de joie et regarda avec amour sa petite flèche chérie qui venait de sauver leur union.
Elles firent donc ainsi, et elles vécurent heureuses très longtemps, eurent beaucoup de petites cibles et de petites flèches, auxquelles elles apprirent à s’aimer sans souffrance.
Et c’est depuis ce temps là que l’on voit, dans les forêts et dans les campagnes, des idiots qui tirent leur flèche et viennent, après, dessiner autour une jolie cible toute heureuse.
Voilà la légende de la petite flèche et de la petite cible amoureuses.
J’espère qu’elle vous aura plu et que vous saurez en tirer la morale.
Bien amicalement,
Elena.
Magnifique Elena, absolument magnifique !!
Mille Bravos pour tant de douceur dans ce récit.
Cela mériterait que tu fasses un article pour publier cette morale que j’aime beaucoup.
Un grand merci d’avoir eu cette excellente idée de venir raconter cette histoire chez les Virtuoses 😉
Merci, Grégory, pour ton appréciation !
Mais c’est toi qui me l’a inspiré, ce récit, il fallait bien donner le point de vue des principales intéressées.
Un article ?
Je veux bien, mais comment le vois-tu cet article ?
Une autre histoire ?
Bien amicalement,
Elena.
PS – En général, mes articles traitent de sujets beaucoup plus sérieux et professionnels; ici, c’est mon premier petit conte, inspiré par ton article et le défi de Cédric, auquel je n’ai pas participé par manque de temps ces jours-ci.
Avec plaisir Elena pour cette appréciation qui est vraiment sortie spontanément juste après la lecture de ton petit compte qui m’a enchanté !
Je pense que cela mériterait que tu publies sur ton blog pour faire connaître ton talent à tes lecteurs… mais si effectivement, cela est trop en désaccord avec ta ligne éditoriale, alors c’est avec plaisir pour moi de publier cela sur virtuose de la vie, avec ton accord bien entendu.
Tu as sans doute du voir que Cédric avait relancé 1 nouveau défi. Si tu es preneuse, et qu’encore une fois tu estimes que c’est malvenu de publier sur ton blog, alors les portes de virtuose de la vie te sont ouvertes 😉
)
(je publierai à ce moment tes 2 « contes » en même temps
Tiens moi au courant !
Bonjour Grégory,
Je viens, seulement, de lire ton message.
Merci pour ton invitation, j’en suis très touchée.
J’ai différents blogs et je me permets d’y publier exactement ce que je veux, puisqu’ils sont à moi. 😉
Je pourrais donc, bien sûr, le faire pour mes articles ou commentaires.
Mais je pense qu’il serait malvenu d’y retranscrire ce conte qui relate la merveilleuse histoire d’amour de nos deux petites amies, car une fois paru ici, il doit être exclusif, ne crois-tu pas ?
Si je l’ai publié chez toi (et pourquoi ne le ferais-je pas à nouveau puisque tu m’y invites si aimablement), c’est qu’il était adapté à la thématique de ton article.
Merci encore pour ton accueil, et à très bientôt j’espère.
Bien amicalement,
Elena.